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LE VOYAGE PHILOSOPHIQUE

LE VOYAGE PHILOSOPHIQUE

Aliments pour une réflexion philosophique


AGENTITÉ ET INTERVENTION par Adina L. ROSKIES

Publié par medomai sur 23 Janvier 2016, 09:52am

Catégories : #PHILOSOPHIE, #CERVEAU, #BIOLOGIE, #MÉDECINE, #NEUROLOGIE, #SCIENCE, #ROSKIES, #ADINA, #LIBERTÉ, #LIBRE-ARBITRE

(source image : http://now.dartmouth.edu/2013/05/professor-adina-roskies-working-across-disciplines)
(source image : http://now.dartmouth.edu/2013/05/professor-adina-roskies-working-across-disciplines)

Mme Adina L. ROSKIES est actuellement professeur au département de philosophie du Dartmouth College (Hanover, New Hampshire, États-Unis).

Article original : http://rstb.royalsocietypublishing.org/content/370/1677/20140215

Article original en fichier PDF : http://rstb.royalsocietypublishing.org/content/royptb/370/1677/20140215.full.pdf

Une vidéo (en anglais) portant sur ce thème : https://youtu.be/jn-VJCgQ6s8

Une traduction précédente de Medomai abordant ces questions par une autre philosophe Mme Katrina SIFFERD) : http://medomai.over-blog.com/2014/10/responsabilite-et-chatiment-selon-katrina-sifferd.html

PATTY : " J'ai bien peur que mon cerveau ait pris sa journée " (source : wasbella102@tumblr)
PATTY : " J'ai bien peur que mon cerveau ait pris sa journée " (source : wasbella102@tumblr)

* * * * *

Une traduction de Medomai pour Olivier, en souvenir de nos disputes homériques sur le "libre arbitre" : un article qui me semble saisir un certain nombre de points décisifs.

Le réductionisme matérialiste (appelé ici "éliminativisme") a tort de ne pas voir que le concept de volonté libre ne relève pas du domaine de la recherche scientifique, mais du domaine de la recherche juridico-morale (ce qui ne veut nullement dire qu'elle n'a pas recours à la méthode scientifique, mais que sa finalité n'est pas telle) : il est simplement question de savoir si dans l'enchaînement des causes précédant un événement, l'une (ou plusieurs) d'entre elles peut être caractérisée comme une cause morale, à savoir la décision libre d'un agent. La question de savoir si cette cause morale a elle-même été conditionnée par d'autres causes non-morales ou morales est hors-sujet : c'est de toute façon toujours le cas d'une manière ou d'une autre, puisqu'il n'existe aucune exception au principe de causalité dans le monde phénoménal - ce dont conviennent les kantiens conséquents avec eux-mêmes.

La question n'est pas de savoir si cette cause a été elle-même déterminée à se produire dans le passé : de toute façon elle l'a été ! La question est de savoir si il y a - ou pas - une cause libre dans le faisceau de causes événementielles considérées. Ainsi la liberté est un concept moral, qui relève de ce langage et de cet usage, et non pas un concept physique. Il s'agit de chercher la vraie responsabilité, non pas la vraie causalité : droit et morale ne peuvent avoir qu'une position nominaliste en métaphysique.

En revanche, les partisans habituels de l'existence d'un libre arbitre ont le tort de porter la plus grande confusion dans ce sujet en prétendant faire violence à la métaphysique et excepter certains agents des lois du déterminisme naturel. Une telle position est absurde et mène à de très fortes tensions dans la cohérence rationnelle de notre représentation de la réalité. Le compatibilisme n'a de sens que comme un effort pour distinguer la catégorie morale de "libre arbitre", de la notion illusoire de "cause première" ou de "pouvoir indéterminé". On est responsable d'un événement x, à des degrés que l'enquête peut déterminer (par exemple directement si l'on a formé l'intention, puis la décision d'agir, puis agi pour que x lui-même advienne, et que notre action a réellement produit x ; ou indirectement, par exemple si l'on a délibérément produit un événement y ayant engendré x, sans pour autant que l'on ait souhaité x), si l'une de nos décisions libres se trouve être l'une des conditions de la survenue de l'événement x. Que notre propre décision ait elle-même des causes, dont certaines sont des agents libres et d'autres non, cela ne doit pas entrer en ligne de compte parce qu'il n'est nullement question de cela. La question est seulement : ai-je ou non, par une décision délibérée, contribué à causer ceci ?

Bonne lecture !

PS : les choix de traduction de Medomai sont naturellement discutables : traduire 'agency' par 'agentité' n'est qu'une des possibilités (justifiée dans une note) ; et un lecteur exigeant pourra fort bien en préférer une autre.

 

 

AGENTITÉ1 ET INTERVENTION
par Adina L. ROSKIES

 

 

TITRE ORIGINAL : AGENCY AND INTERVENTION, article publié dans la revue The Royal Society Publishing, Philosophical Transactions B, le 3 août 2015 (DOI: 10.1098/rstb.2014.0215). Traduit de l'anglais par Medomai.

 

 

Table des matières

1. Introduction

2. Les interventions actuelles et leurs effets ; les interventions futures

(a) La stimulation magnétique transcrânienne (SMT)

(b) L'électrocorticographie (ECOG)

(c) Les techniques optogénétiques

(d) La stimulation cérébrale profonde (SCP)

3. La conception populaire (folk conception) de l'agentité

4. Interventions et agentité

5. Deux défis sceptiques globaux (global skeptical challenges) concernant l'agentité

6. Les défis locaux

a) Les croyances (beliefs)

b) les désirs et la motivation

7. Pour aller plus loin : comment penser la stimulation cérébrale profonde et l'agentité ?

 

 

 

 

*****

 

 

 

1. Introduction

« Les dernières décennies ont été marquées par le développement de plusieurs nouvelles façons d'intervenir dans le fonctionnement du cerveau (in brain function). Des manipulations indirectes sont d'ores et déjà apparues depuis quelque temps, comme celles affectant de manière systémique le fonctionnement du cerveau avec des substances psychopharmacologiques. Notre capacité à intervenir et à contrôler pharmacologiquement la maladie continue à s'améliorer. Plus récemment, les scientifiques et les médecins praticiens ont développé des moyens d'influencer directement le fonctionnement du cerveau grâce à des interventions électriques focalisées, et de nouveaux outils semblent prometteurs pour le traitement de maladies jusqu'ici résistantes au traitement par d'autres moyens2. Bien que les interventions directes dans le cerveau ne soient pas nouvelles, la boîte à outils que nous avons maintenant est sensiblement plus sophistiquée que celle que nous avions il y a seulement une décennie ou deux, et elle promet de devenir de plus en plus puissante (powerful). Comme pour toute méthode thérapeutique clinique, la promesse de traitement de la maladie que contiennent ces interventions doit être évaluée en regard des risques et des coûts [qu'elles comportent]. Dans cet article, je voudrais proposer un cadre de réflexion sur l'impact que ces interventions peuvent avoir sur l'organisme d'un patient, mais je ne procéderai pas à [cette] évaluation. Ce document est principalement théorique, soulevant des problèmes potentiels, et appelant à davantage d'information et de collaboration entre les professionnels, qui peuvent ne pas avoir eu l'occasion de travailler ensemble en amont du développement de ces techniques en vue d'un usage sur l'être humain.

Que sont, ou qui sont les agents (what or who are agents) ? Au sens le plus élémentaire, un agent est quelque chose qui agit sur le monde (an agent is something that acts on the world). Un point de vue naïf sur l'agentité pourrait la tenir pour une propriété binaire : soit quelque chose est un agent, soit ce n'en est pas un. On pourrait peut-être accuser Descartes d'adopter cette conception, car il considérait les animaux non-humains (non-human animals) comme des automates sans âme (soulless automatons), et donc comme des non-agents (non-agents). Aujourd'hui, peu de gens embrassent ce point de vue, et [ils] seraient susceptibles d'opter [plutôt] pour une vision plus nuancée, dans laquelle l'agentité peut varier sur un spectre (spectrum) : les organismes simples, qui sont davantage que de simples machines à stimulus-réponse, auraient de l'agentité (would have some agency) en cela qu'ils peuvent agir découplés de la stimulation directe (act decoupled from direct stimulation) ; nous pourrions attribuer plus encore d'agentité aux animaux capables de former des plans ou d'agir sur la base de souvenirs (form plans or act on the basis of memories) ; et encore davantage aux animaux supérieurs avec des interactions sociales complexes, bien qu'ils ne réussissent pas à être moralement responsables de leurs actes (though they will fall short of being morally accountable for their actions). Les êtres humains en ont encore plus, car ils sont auto-réflexifs (they are self-reflexive), et nous pouvons [à leur propos] interroger [leur] autonomie et [leur] authenticité, et les tenir pour responsables de ce qu'ils font (hold them responsible for what they do). En outre, chez les humains, les niveaux d'agentité (levels of agency) peuvent aussi varier : intuitivement, les adultes sont plus agentiques que les nourrissons, parce qu'ils possèdent des capacités que n'ont pas les enfants ; ceux qui ne sont pas sous l'emprise de toxicomanies ou de délires peuvent être plus pleinement agentiques que ceux ayant des maladies psychiatriques ou des accoutumances à la drogue. Cependant, même considérer l'agentité sur un spectre est, je pense, trop simpliste. Je suggérerai qu'une vue multidimensionnelle plus complexe de l'agentité est requise, et que l'examen adéquat des effets et du traitement de nombreuses maladies neuropsychiatriques exige une notion plus finement articulée de l'agentité. Dans cet article, je me concentrerai sur l'agentité dans sa réalisation la plus complète : un/une agent est un acteur autonome persistant à travers le temps, pouvant être tenu pour responsable (causalement, et potentiellement légalement et moralement) pour ses actions (an agent is an autonomous actor persisting through time, who can be held responsible (causally, and potentially legally and morally) for his/her actions). Je dévie ici un peu de l'usage commun, en ce sens que de nombreuses créatures que nous tenons généralement pour des agents à part entière, comme les chiens, n'en sont pas de ce point de vue.

Comment les interventions du cerveau peuvent-elles affecter l'agentité ? Comment pourraient-elles affecter la façon dont nous conceptualisons l'agentité ? Je commence par un bref aperçu de quelques-unes des interventions du cerveau actuellement disponibles, et une description de celles qui s'annoncent dans un horizon proche. Dans la plus grande partie de cet article, je me concentre sur une technique largement utilisée pour le traitement des maladies psychiatriques et neurologiques : la stimulation cérébrale profonde (Deep Brain Stimulation, ou DBS). Je discute ensuite de l'impact que peut avoir la DBS sur l'agentité, et considère deux voies différentes par lesquelles celle-ci pourrait être comprise comme menaçante (to threaten) pour l'agentité : en menaçant notre conception de l'agentité, ou en menaçant l'agentité dans des cas individuels. Je soutiens qu'elles sont liées, dans la mesure où bien comprendre la manière dont l'agentité est affectée dans des cas individuels pourrait, au moins en théorie, exiger une refonte de notre conception générale de l'agentité. Ma conclusion est provisoirement déflationniste (provisionally a deflationary one) : à l'heure actuelle, je ne vois pas de techniques d'intervention du cerveau menacer sérieusement nos conceptions ordinaires de l'agentité. Je reconnais que ces techniques ont la capacité, lorsqu'elles sont appliquées dans des cas individuels, à la fois de restaurer ou d'augmenter l'agentité, et de la diminuer ou de la compromettre, et de le faire de différentes manières. Je terminerai en recommandant l'élaboration d'une nouvelle taxonomie de l'agentité (a new taxonomy of agency) et je suggère certaines façons d'y parvenir.

2. Les interventions actuelles et leurs effets ; les interventions futures

Dans cet article, il ne s'agit pas de donner un compte rendu exhaustif des interventions actuelles, mais je vise seulement à donner une idée de certaines des méthodes qui se sont montré prometteuses. Je commence avec la stimulation magnétique transcrânienne (abrégée SMT, en anglais transcranial magnetic stimulation ou TMS), une technique non invasive qui induit ou inhibe l'activité neuronale et est fréquemment utilisée dans les laboratoires à des fins de recherche. Les autres techniques que je mentionne sont invasives, ce qui limite leur utilisation aux paramètres cliniques.

(a) La stimulation magnétique transcrânienne (SMT)

La stimulation magnétique transcrânienne est une technique qui peut activer ou perturber non invasivement les réseaux locaux du cerveau. Un électro-aimant est placé près du cuir chevelu, et un champ magnétique pulsé est délivré, ce qui induit une activité électrique des neurones sous-jacent dans le cortex cérébral. La SMT peut inhiber ou activer une région du cortex en fonction de l'intensité, de la fréquence d'impulsion et du nombre d'impulsions. La SMT peut fournir de manière non invasive des preuves de l'implication causale d'une zone du cerveau dans une tâche particulière, en créant un «lésion virtuelle» temporaire chez les sujets normaux. Une étude récente a utilisé la SMT pour montrer que les jugements de culpabilité des individus dépendent de l'activité dans la JTPd (right temperoparietal junction : jonction temperopariétale droite)3. Des SMT répétitives (SMTr) peuvent avoir des effets plus durables que des impulsions uniques. La SMT est une technique spatialement grossière, n'autorisant que des estimations approximatives de l'endroit où l'effet de stimulation maximale sera situé dans le cortex sous-jacent. Elle tend à être davantage utilisée pour la recherche que pour des fins cliniques.

(b) L'électrocorticographie (ECOG)

Contrairement à la SMT, l'électrocorticographie est invasive. Elle consiste à placer un réseau d'électrodes sur la surface du cerveau, et par conséquent ne peut être utilisée que dans le cadre de la chirurgie du cerveau. Bien que l'ECOG soit souvent utilisée pour enregistrer des signaux électriques à partir de la surface du cerveau, par exemple pour mesurer les épisodes ictaux de l'épilepsie, les électrodes peuvent également être utilisées pour stimuler le tissu sous-jacent. Dans une étude récente, l'ECOG a été utilisée pour montrer que la stimulation d'une zone corticale facio-sensible, l'aire fusiforme du visage (AFV, en anglais fusiform face area, FFA), a conduit à une transformation visuelle (visual morphing) ou à la distorsion des visages perçus, mais pas des autres objets4. L'utilisation de l'ECOG a permis de mieux comprendre la structure et la fonction de multiples zones du cerveau, mais elle est utilisé uniquement dans des milieux cliniques.

(c) Les techniques optogénétiques

Bien que non utilisées actuellement chez les humains, les techniques optogénétiques sont amenées à améliorer considérablement notre capacité à traiter les maladies humaines, en nous permettant de moduler précisément l'activité de types cellulaires spécifiques. L'optogénétique cible des populations de cellules spécifiques, en utilisant des rétrovirus pour manipuler génétiquement ces cellules afin qu'elles expriment des protéines sensibles à la lumière. Une fois que ces protéines se trouvent dans la membrane cellulaire, les cellules peuvent être activées et / ou inhibées simplement en les exposant à la lumière à des fréquences spécifiques. Cela permet une précision sans précédent dans le contrôle spatial et temporel de l'activité neuronale. L'optogénétique a permis aux chercheurs de contrôler des comportements chez les animaux, depuis les mouches à fruit jusqu'aux vers et aux rats. La technique est maintenant testée chez les singes, et lorsqu'elle sera adaptée à une utilisation clinique humaine, elle sera susceptible d'améliorer grandement l'efficacité et la spécificité du traitement d'un certain nombre de maladies neurologiques5 6.

(d) La stimulation cérébrale profonde (SCP)

La SCP (en anglais Deep Brain Stimulation, DBS) est une technique clinique très invasive, mais aussi très efficace, et qui est de plus en plus utilisée pour les maladies neurologiques et psychiatriques résistant au traitement. Dans la SCP, une électrode de stimulation est implantée par chirurgie profondément dans le cerveau. L'électrode est connectée à une alimentation électrique, et des commandes sans fil implantées sous la peau dans la région de la poitrine peuvent être activées ou désactivées. Lorsqu'elle sont activées, des impulsions électriques sont envoyées à travers l'électrode de stimulation. Ces impulsions modulent l'activité électrique des neurones dans le tissu entourant l'électrode. Les paramètres de placement des électrodes et de stimulation varient pour différentes maladies.

De toutes les techniques décrites ici, la SCP est la plus développée pour une utilisation en milieu clinique. La SCP a été approuvée par la FDA7 pour le traitement de la maladie de Parkinson en 1997, et a obtenu une autorisation limitée pour les troubles obsessionnels compulsif (TOC) en 20098. Elle est utilisée dans les essais cliniques pour, entre autres, la dépression résistant au traitement (DRT, en anglais TRD, treatment-resistant depression), le syndrome de Tourette, la toxicomanie, l'anorexie et la douleur chronique9. Plus de 100000 patients ont déjà reçu l'implantation d'électrodes de stimulation pour les seuls traitements de la maladie de Parkinson et de la dystonie.

 

Malgré son efficacité clinique démontrée, les mécanismes par lesquels la SCP fonctionne ne sont pas bien compris.10 Même des questions relativement simples, comme celle de savoir si les neurones affectés sont activés ou réprimés par la stimulation, et quelles populations cellulaires sont affectées, sont actuellement en non résolues.11 Les premiers modèles considéraient la SCP comme créant des lésions fonctionnelles, mais ils ont été supplantés par des modèles qui impliquent la SCP dans la régulation de l'interaction des réseaux oscillatoires dynamiques.12 Comment exactement cette activité rythmique affecte les systèmes neuronaux reste à élucider. Les scientifiques sont également incertains quant à savoir si ou quand la stimulation à long terme conduit à des changements dans le tissu neural sous-jacent, et certains tentent maintenant d'exploiter les principes de la plasticité du cerveau en utilisant la SCP pour constituer des changements permanents dans les réseaux de neurones.

En général, les patients de la SCP sont traités selon leurs symptômes : la fréquence et l'amplitude des impulsions de stimulation sont ajustées, et les effets sur le comportement résultant sont surveillés, les paramètres étant modifiés à nouveau. Dans de nombreux cas de maladie neurologique ou psychologique, il nous manque une compréhension claire de quelles propriétés cellulaires ou des réseaux entraînent les symptômes de la maladie, ou quels changements seraient efficaces pour les atténuer. Dans certains cas, comme dans la maladie de Parkinson, de sites de stimulation sont choisis sur la base des travaux sur des animaux cobayes. Cependant, pour de nombreuses maladies psychologiques, de bons animaux-cobayes ne sont pas disponibles. Les chercheurs ont donc dû faire des hypothèses éclairées (educated guesses) sur les sites d'intervention. En somme, le traitement SCP est plus empirique que théoriquement fondé, et malgré le succès parfois remarquable du traitement, les scientifiques ne comprennent pas vraiment son mécanisme d'action.13

Malgré cela, l'efficacité de la SCP dans des cas individuels peut être impressionnante. Lorsque la SCP est efficace dans le traitement de, par exemple, la maladie de Parkinson, les résultats sont souvent spectaculaires (dramatic). Une personne crispée (contorted), incapable d'articuler un discours aisément (articulate speech fluently), ou de marcher ou d'empêcher le tremblement de ses membres de dominer ses mouvements, peut être immédiatement transformée en une personne qui semble être pratiquement asymptomatique, qui peut parler sans difficulté, marcher fermement et manipuler des objets avec dextérité. Puis, d'une chiquenaude sur un interrupteur, lorsque le stimulateur est éteint, la figure tourmentée du malade de Parkinson réapparaît. Si le lecteur n'a pas encore vu une telle transformation, alors je vous recommande de visualiser le document suivant : https://www.youtube.com/watch?v=uBh2LxTW0s0. Des résultats similaires ont été observés avec la DRT (dépression résistant au traitement). La SCP est clairement en train de changer la vie de nombreuses personnes. Cependant, bien que de nombreux patients éprouvent un soulagement significatif de symptômes débilitants qui sont récalcitrants à d'autres types d'interventions moins invasives, ce soulagement s'accompagne parfois d'un coût : des effets secondaires indésirables peuvent compromettre la qualité de vie d'un patient d'une manière qui mine apparemment l'agentité. Ces effets secondaires induits par la stimulation comprennent des effets sensori-moteurs tels que : paresthésie, dyskinésie, démarche ataxique, troubles de l'élocution. Des changements se produisent aussi dans la personnalité et l'humeur, comme lorsque la stimulation conduit à des comportements inadaptés, tels que le jeu pathologique, l’hyper-sexualité et la manie. Généralement, ces effets secondaires sont graves et disparaissent avec l'arrêt de la stimulation.

Dans le reste de cet article, je tirerai mes exemples de cas de SCP, bien qu'en principe, ma discussion s'applique à toute technique d'intervention sur le cerveau.

3. La conception populaire (folk conception) de l'agentité

L'idée que les interventions médicales sur le fonctionnement du cerveau humain pourraient avoir des effets problématiques sur le plan éthique n'est pas nouvelle. Les interventions chirurgicales pour changer l'affect et la personnalité des gens ont toujours un certain poids éthique ; la psychochirurgie précoce en est une puissante illustration. Dans un de mes premiers articles définissant la neuroéthique, je postulait que de nouvelles interventions neuroscientifiques auraient le potentiel de changer la personnalité et même l'identité personnelle14, et que cela soulèverait des problèmes éthiques que d'autres types d'interventions médicales ne poseraient pas. À ce jour, l'essentiel du travail philosophique de discussion concernant la SCP a été stimulé par l'observation que ces interventions peuvent conduire à des changements dans la personnalité et dans l'humeur, et [ces discussions] mettent l'accent sur l'inquiétude (worry) selon laquelle ces traitements pourraient perturber ou modifier l'identité personnelle. Si oui ou non l'identité personnelle (personal identity) est menacée, cela dépend beaucoup de ce que l'on entend par identité personnelle (par exemple15 ; 16).17 Alors que peu de penseurs ont suggéré que la SCP puisse réellement changer l'identité numérique (numerical identity) de la personne en perturbant suffisamment la continuité psychologique (psychological continuity) (toutefois on examinera ceci : ref.18), beaucoup ont reconnu qu'un autre type d'identité (type of identity) peut être en cause : savoir la propre auto-identification ou auto-aliénation de la personne (the person's own self-identification or self-alienation). Schechtman19 a exploré la question de savoir à quel moment différentes actions et états mentaux sont bien imputables à une personne, et diverses constructions, telles que «l'identité narrative», et «l'identité individuelle» selon Witt et alii.20, sont destinées à dépister (to track whether) si une personne se voit (sees herself) (ou ne se voit pas) comme le même moi (the same self) au fil du temps, se sent aliénée (feels alienated) de son moi pré-traitement ou se sent être son propre moi authentique (feels herself to be her own authentic self), ainsi que si nous devons caractériser cette personne comme étant un seul et même moi (as being one and the same self). Il y a bien plus d'occasions (there is much more room) pour les interventions d'avoir un impact sur l'identité narrative ou individuelle que sur la question de l'identité numérique, dans la mesure où la littérature des cas clinique démontre assez explicitement que ce genre d'aliénation n'est pas rare21. Même si les questions d'identité ne sont pas fondamentales pour le concept de l'agentité, elles sont clairement pertinentes pour notre compréhension de ce que signifie être un agent du genre de celui auquel nous appartenons (what it is to be an agent of the sort we are), dans la mesure où notre auto-conception (our self-conception) affecte et est affectée par nos actions. Mais étant donné que ces questions ont reçu un traitement approfondi ailleurs (par exemple ici : ref22), je me concentrerai plutôt sur d'autres aspects de l'agentité, peut-être plus fondamentaux.

La question du libre arbitre ou de l'ipse-auteurité (self-authorship23) est distincte de la question de celle de l'identité. Une agent est l'auteure de ses actes (the author of her actions) quand elle a la capacité de prendre des décisions auto-générés et libres (self-generated and free), et d'agir en fonction de raisons qu'elle approuve elle-même (she herself endorses). Ainsi, nous pourrions nous demander concernant les interventions sur le cerveau : ces traitements interfèrent-ils avec la capacité d'un [ou d'une] agent à agir volontairement (voluntarily) ou librement (freely) ? Sapent-ils l'agentité en forçant ou contraignant des décisions qui normalement sont autonomes ? Menacent-ils la responsabilité (responsibility) ? La recherche sur la nature de la décision et de l'action volontaire (voluntary action) est en cours dans les neurosciences, et ce sont des sujets d'intérêt central pour les philosophes de l'esprit et les éthiciens. Malgré cela, la question de savoir si l'aspect volitionnel (volitional) de l'agentité est menacé par les interventions du cerveau fut moins souvent abordée dans la littérature sur la neuroéthique, et c'est à cette question que je vais maintenant m’atteler.

L'agentité est peut-être mieux conceptualisée [si on l'envisage] en termes d'une constellation de capacités que la pleine agentité présuppose. Ce point de vue 'capacitarien' ('capacitarian')24 de l'agentité est largement congruent avec la conception capacitarienne du libre arbitre et de la responsabilité morale et juridique. En bref, l'idée est que pour être un agent, il faut posséder un ensemble de capacités (a set of capacities) qui sont les mêmes ou qui sont étroitement liées aux capacités rendant possible l'action volontaire, la maîtrise de soi (self-control) et la responsabilité morale.

Les capacitariens, concernant le libre arbitre (free will), sont des compatibilistes qui maintiennent que, pour avoir la libre volonté (free will), il faut avoir un ensemble de capacités suffisantes pour l'agentité rationnelle (rational agency). Les capacitariens considèrent de façon semblable que, pour la responsabilité morale et juridique, les critères pour être tenu moralement ou légalement responsable peuvent être décrits en termes de capacités des agents (capacities of the agents). Bien que les capacités et les critères ciblés par chacun de leurs points de vue puissent être légèrement différents, il existe un large chevauchement (broad overlap) entre eux, ainsi qu'entre les capacités les plus fondamentales pour être un agent25. N. Vincent définit joliment cette analyse du sens commun de la notion (this commonsensical take on the concept), quand elle écrit, « dans des contextes laïcs (lay contexts), la responsabilité est souvent envisagée comme exigeant des choses telles que l'aptitude à percevoir le monde sans illusion, à penser clairement et rationnellement, pour orienter nos actions à la lumière de nos jugements, et pour résister à l'action sur simple impulsion. [ref26 p. 22] ».

Cette caractérisation peut être augmentée et rendue opérationnelle (operationalized) en posant une série de questions :

  • Est-ce que la personne forme une intention d'agir (does the person form an intention to act) ?

  • Si oui, l'intention d'agir est-elle formée de façon normale par l'agent ou causée d'une façon brutale (brutely) par l'intervention ?

  • L'agent agit-il pour des raisons (does the agent act for reasons) ?

  • Les croyances (beliefs) contribuent-elles aux raisons rationnellement formées (reasons rationally formed) ?

  • Les désirs sont-ils de ceux que l'agent assume (endorses) ou avec lesquels il s'identifie ?

  • L'agent conserve-t-il la capacité d'évaluer rationnellement (rationally assess) ses intentions ?

  • L'agent peut-il inhiber ses réponses ?

  • L'agent expérimente-t-il son action comme volontaire ?

Des réponses positives à ces questions révèlent des capacités nécessaires pour l'agentité à part entière. Dans la mesure où ces réponses sont conditionnelles (provisory) ou négatives, nous pouvons dire que l'agentité est diminuée. Pour anticiper ce qui suit, [disons que], si nous pouvons plus finement articuler cette opérationalisation, et mieux saisir la façon dont ces capacités peuvent être altérées, nous parviendront à une meilleure compréhension des nombreuses façons dont l'agentité peut être menacée, que ce soit par la maladie ou par une intervention thérapeutique.

4. Interventions et agentité

Comme l'agentité est étroitement liée à notre conception du libre arbitre (free will), il s'ensuit que les interventions sur les mécanismes qui interviennent dans les relations internes entre les perceptions d'une personne et ses décisions et actions subséquentes peuvent priver cette personne de - ou porter atteinte à - son agentité. La littérature philosophique est familière du problème de l'intervention en lien avec le problème du libre arbitre et de la responsabilité, notamment dans le scénario [inventé par] Frankfurt27 du neuroscientifique qui s'assure qu'une personne décide d'agir d'une manière particulière en prévoyant et influençant son activité cérébrale28.

Selon un vieux marronnier philosophique (philosophical chestnut), on imagine un neurologue (pour la précision : méchant) qui a la capacité de lire les données neuronales (neural data) d'une personne - appelons cette personne 'Harry' -, et d'intervenir dans ses événements cérébraux (brain events) au cas où [Harry] serait sur le point de décider de prendre une mesure qui déplaît au neuroscientifique (disprefers). Dans ces cas baptisés 'à la Frankfurt', l'intuition est censée être que, si l'intervention se produit, Harry n'est pas responsable de ses actes, parce qu'il est pas vraiment un agent libre : il est forcé d'agir comme il le fait par l'intervention29. Cependant, on est également censé avoir l'intuition que lorsque le neurologue n'intervient pas, parce qu'Harry choisit de faire ce que le neurologue veut qu'il fasse, Harry est l'agent et le responsable de son action, même s'il ne pouvait agir autrement qu'il ne l'a fait. On pourrait être tenté de conclure de cet exemple que c'est le fait de l'intervention qui prive une personne du libre arbitre et de l'absoudre de sa responsabilité. Ce serait une erreur (that would be a mistake).30

Imaginez, par exemple, que le neuroscientifique ne soit pas méchant (evil), et souhaite seulement veiller à ce qu'Harry soit capable de mener à bien (carry out) sa décision. Malheureusement pour Harry, le circuit neuronal qui lui permettrait de mettre en œuvre sa volonté (to implement his willing) est endommagé : il y a une déconnexion (disconnection) qui empêche sa volonté d'aboutir en action (that prevents his will from issuing in action). Alors le neurologue serviable intervient de la manière suivante : si il détecte un signal neuronal du côté 'entrée' du site de coupure, il doit envoyer une impulsion électrique sur le côté 'sortie' de la déconnexion, réunissant effectivement le circuit normal, de sorte qu'Harry puisse exercer son agentité. L'intuition que j'ai ici, c'est que cette intervention est bénigne (benign) - elle restaure l'agentité et ne réduit pas la responsabilité de Harry. Si j'ai raison, alors toutes les interventions ne sont pas des menaces pour l'agentité.31 Nous savons que les interventions SCP peuvent souvent restaurer les propriétés agentiques (restore agential properties) abîmées par la maladie, bien qu'elles puissent en même temps, comme certaines études de cas le rapportent, compromettre d'autres aspects de l'agentité. Plutôt que de se focaliser sur : 'y-a-t-il ou non une intervention sur le cerveau ?', je suggère que nous devrions évaluer (assess) les menaces que font peser sur l'agentité les effets qu'une intervention a sur les capacités agentiques (agential capacities).32 Nous nous y prenons de la même manière pour évaluer la responsabilité dans une maladie et pour l'évaluer dans les cas d'interventions.

Je ne conteste pas que les interventions du cerveau puissent menacer l'agentité. Mais elles ne le font pas simplement parce qu'elles sont des interventions. Qu'elles soient une menace, et si oui, comment et pourquoi, sont des questions qui dépendent des effets de l'intervention : comment elle altère les capacités de la personne.

5. Deux défis sceptiques globaux (global skeptical challenges) concernant l'agentité

Avant de discuter de la façon dont les interventions de SCP influencent les capacités individuelles des patients, je voudrais évoquer deux façons dont on pourrait penser qu'elles représentent une menace générale pour notre concept de l'agentité. Je traite la première pour pouvoir régler la question rapidement. Il est concevable que les gens vont voir l'efficacité de la SCP comme une preuve de l'incapacité de tous les êtres humains à agir volontairement, car elle montre que ce sont de simples objets physiques. Cette réaction suppose implicitement le genre d'argument suivant :

  1. La SCP démontre que les interventions électriques sur le cerveau changent le comportement agentique ;

  1. Les interventions électriques sont des interventions physiques ;

  1. Ainsi, la SCP démontre que le comportement agentique est simplement un phénomène physique ;

  1. La physicalité (physicality) est incompatible avec l'agentité ; et...

  1. Par conséquent, l'agentité est une illusion.

Cet argument repose sur une vision dualiste de l'agentité qui est sûrement erronée. En outre, l'argument n'est pas spécifique à la SCP, mais peut être soulevé pour presque toute intervention médicale sur le comportement humain. Il va sans dire que la SCP peut être une illustration dramatique de notre physicalité, mais elle ne sape pas pour autant automatiquement l'agentité. Les types d'arguments qui m'intéressent sont spécifiques au type d'interventions que nous voyons dans les SCP, et sont des défis locaux de la même catégorie que ceux que je vais décrire ci-dessous.

Un deuxième défi global est plus difficile à contrer. Les effets secondaires imprévus (The unforeseen side effects) de la SCP pourraient-ils saper notre théorie ordinaire de l'agentité humaine (our commonsense theory of human agency) ? J'appellerai cela le défi de l'éliminativisme33, parce que, tout comme le matérialisme éliminativiste (eliminative materialism) prédit que la psychologie populaire (folk psychology) sera supplantée par une neuroscience plus puissante34, je pense que nos constructions psychologiques de personnes ordinaires concernant l'agentité peuvent être contestées par une analyse minutieuse des effets de la SCP. Selon notre psychologie populaire, les agents humains sont des acteurs partiellement rationnels qui forment des intentions d'agir afin de remplir leurs objectifs et leurs désirs, sur la base du raisonnement pratique contraint par leurs croyances concernant ce qu'est le monde, leurs valeurs, et leurs attentes concernant les conséquences de leurs actions. Parce que le cerveau est un conglomérat de réseaux de neurones dynamique hautement complexe, et que les électrodes SCP sont généralement situées au milieu de régions sous-corticales fortement interconnectées et ont tendance à stimuler toute une région du tissu, il est possible que nos concepts statiques et plutôt grossiers ne puissent pas facilement décrire les types d'effets observés dans la SCP. Des effets inattendus ou des constellations d'effets de la SCP sur les états mentaux des patients pourraient, en principe, emprunter des formes qui ne parviennent pas à s'intégrer facilement sans la taxonomie ordinaire pour comprendre l'action humaine, et donc pourraient la remettre en question en tant qu'image adéquate de l'agentité. Savoir si la SCP et d'autres interventions sur le cerveau vont constituer un défi éliminativiste pour l'agentité, cela constitue, au moins en partie, une question empirique qui doit être résolue en regardant les effets de la SCP sur l'ensemble du spectre des différentes manières dont nous concevons de l'agentité. Ce qui veut dire : examiner la nature des défis locaux.

6. Les défis locaux

La SCP produit-elle des modèles d'effets qui semblent contredire toute accommodation aisée à notre cadre psychologique du sens commun ? L'examen des études de cas devrait nous aider à répondre à cette question. D'un intérêt particulier sont les études de cas dans lesquels les patients subissent des changements marqués dans leur humeur (mood), leurs engagements (commitments) ou penchants (proclivity), tout en subissant une stimulation. Je n'ai pas entrepris ici de recherche exhaustive sur cette littérature [scientifique], mais j'illustrerai plutôt mon propos par quelques études de cas qui s'avèrent pertinentes pour ce sujet. Un examen approfondi sur cette question exigerait une enquête exhaustive sur les cas disponibles, ainsi que d'un projet de prospective pour documenter plus à fond les effets de la SCP dans l'avenir, que nous discuterons ci-dessous.

a) Les croyances (beliefs)

Il y a des indications que la stimulation SCP peut affecter les croyances actuelles (occurrents) des patients. Klaming et Haselager décrivent le cas d'un patient traité par SCP pour ses tics incontrôlables causés par le syndrome de Tourette. Ils rapportent qu'après un traitement prolongé, lorsque l'amplitude de stimulation fut augmentée, le comportement du patient changea de façon spectaculaire. Ils le décrivent comme entrant dans «un état d'identité alternée». Comme ils le rapportent, «accroître l'amplitude de stimulation entraîna que le patient s'accroupit avec impatience dans un coin, se couvrant le visage avec ses mains. Il parlait avec une voix haut perchée enfantine et insistait à plusieurs reprises qu'il était pas à blâmer. Les phrases étaient brèves et grammaticalement incorrectes. S'il était approché par l'un de nous, il donnait farouchement des coup de pieds, parce qu'il craignait d'être jeté dans le sous-sol» [Goethals et alii35, p. 545]. Lorsque l'amplitude de la stimulation fut diminuée, les réponses du patient sont redevenues adéquates, et il était incapable de se rappeler exactement ce qui était arrivé, bien qu'il puisse déclarer avoir été accablé par de mauvais souvenirs d'enfance... » (idem36, comme indiqué dans Klaming37. Bien que Klaming et Haselager décrivent ceci comme un cas de dissociation ou de changement de l'identité du patient, on pourrait aussi le décrire comme l'implantation de croyances irrationnelles (the establishment of irrational beliefs) par stimulation électrique. Ce patient croyait à tort qu'il était encore un enfant, et que les médecins allaient lui faire du mal et le jeter dans le sous-sol. Les croyances étaient irrationnelles en ce qu'ils n'étaient pas sensibles à la preuve (not sensitive to evidence) tout en ayant été causées de manière aberrante, ne reposant pas sur une preuve (not based on evidence).38

(b) les désirs et la motivation

les états motivationnels (motivational states) sont les états de la psychologie populaire les plus fréquemment signalés comme étant influencé par la stimulation SCP. Étant donné que les sites de stimulation pour un grand nombre de patients atteints de Parkinson, du syndrome de Tourette ou de TOC sont dans les noyaux du cerveau profond (deep brain nuclei), situés à ou très près des parties centrales du système de récompense, il peut arriver que la stimulation conduise à la formation de désirs pathologiques, probablement en raison de la conduction tissulaire des courants électriques.39 Il n'est pas rare que les dépendances au jeu ou à la pornographie ou l'hypersexualité se développent chez les personnes précédemment indifférentes à ces choses, ou qui pouvaient n'avoir qu'un intérêt mitigé et facilement sublimé lors de l'état non stimulé. Davantage de modifications particulières dans les désirs ont également été signalées, comme dans le cas de 'Monsieur B', le patient dans la soixantaine atteint de TOC (troubles obsessionnels-compulsifs), qui a développé une forte préférence pour la musique de Johnny Cash à la stimulation du noyau accumbens. Sous la stimulation, le patient voulait écouter exclusivement de la musique de Johnny Cash, malgré le fait qu'avant la SCP l'homme avait des goûts musicaux larges et éclectiques40. En outre, son attirance exclusive pour la musique de Cash fut abolie lorsque les stimulateurs cessèrent de fonctionner.41

Des effets motivationnels moins ciblés sont également fréquemment rapportés avec la SCP42. Par exemple, une femme professionnelle (a professionnal woman) qui avait été énergique et tenace dans la lutte contre les symptômes de sa maladie de Parkinson depuis des années, fut traitée avec succès par SCP de sorte que ses problèmes moteurs diminuèrent. Cependant, lorsqu'elle ne s'identifia plus comme luttant contre la maladie (she no longer identified herself as battling the disease), elle connut un manque de concentration, de motivation et d'énergie. Selon Kraemer, « après 18 mois de stimulation, elle n'était plus en mesure de travailler, et eut une perte d'inspiration et de goût pour son travail et pour la vie en général... Sa famille ne l'intéressait plus, elle était facilement épuisée, et avait une perte de vitalité (en l'absence d'un syndrome dépressif), ce qui l'amena à interrompre toute activité professionnelle » [Kraemer43, pp. 488-489].

(c) la réactivité aux raisons (reasons-responsiveness) / la rationalité

Un des cas les plus cités dans la littérature implique un patient de 62 ans, néerlandais, qui développait une manie (mania) incontrôlée lorsque que le stimulateur était activé44. Le cas est rapporté de la manière suivante par Glannon : « Un stabilisateur de l'humeur (mood stabiliser) échoua à contrôler ses symptômes, qui comprenaient la mégalomanie et un comportement chaotique, qui entraînèrent de graves endettements financiers. Il devint mentalement incapable. Le réglage du stimulateur résolut la manie et restaura ses capacités cognitives à la perspicacité (insight) et au jugement rationnel. Pourtant, cela entraîna une résurgence de ses symptômes moteurs, qui étaient si graves que le patient devint grabataire. Ce qui laissa le patient et ses prestataires de soins de santé le choix entre deux options mutuellement exclusives : admettre le patient dans une maison de soins infirmiers à cause d'un handicap physique grave, malgré les capacités cognitives et affectives intactes ; ou admettre le patient dans un service psychiatrique chronique en raison d'un état maniaque, malgré la restauration de bonne fonction de motrices » [Glannon45, p. 290]. La manie causée par la stimulation priva cet homme de la rationalité, et donc sapa son agentité rationnelle d'une manière simple. Mathews en effet, qui mentionne ce cas, le caractérise comme un choix entre des capacités mentales avec des déficits moteurs, ou de l'incompétence et la restauration du contrôle moteur [référence46].

Ainsi, les études de cas fournissent la preuve d'effets sur des croyances, les désirs et la motivation, et sur les capacités rationnelles. D'autres études de cas démontrent les effets sur la personnalité et le sens de l'agentité, ainsi que sur l'auto-identification. Ainsi, suite à l'examen sommaire entrepris ici, nous pouvons offrir une réponse provisoire au défi éliminativiste : bien qu'il y ait des problèmes locaux pour l'agentité dans des cas individuels (en ce que la SCP peut augmenter ou améliorer l'agentité sous certains aspects, mais peut également être préjudiciable sous d'autres aspects), aucun des cas considérés ici n'est difficile à concilier avec la taxonomie traditionnelle que nous utilisons pour discuter de l'agentité. En fait, du point de vue de ce que nous rapportent les études de cas, les effets secondaires de la SCP semblent être décrits comme modifiant les désirs d'une personne, ce qui conduit à des croyances infondées ou irrationnelles, ou une incapacité à évaluer ou ajuster rationnellement son état mental. À bien des égards, il semble que les effets secondaires de la SCP puissent être décrits comme provoquant une fragilité (brittleness) ou une rigidité (inflexibility) des états cognitifs ou affectifs selon le cadre de la psychologie populaire (folk-psychologically framed cognitive or emotional states), états qui dans des conditions normales seraient plus souples, malléables et faciles à intégrer dans le reste du caractère (make-up) psychologique de la personne.

Si cela est exact, alors le résultat est qu'à première vue le défi éliminativiste échoue. Il y a cependant, une question méthodologique plus profonde, à laquelle nous ne pouvons maintenant répondre, concernant le cadre (framework) dans lequel nous conceptualisons l'agentité. Car, bien que la lecture de la littérature disponible n'ait pas révélé de conflits clairs avec la taxonomie psychologique populaire des états mentaux et des composants agentiques pertinents (the folk psychological taxonomy of relevant agential mental states and components), il convient de prendre le temps d'examiner si cette absence de conflit reflète la validité objective de notre conceptualisation de l'agentité, ou si elle n'est pas plutôt une conséquence de l'auto-ratification de notre point de vue, envahissant mais peut-être erroné, sur le monde agentique (the agential world). L'absence de conflit avec nos notions psychologiques populaires est-elle une preuve de la justesse de ces notions, ou est-ce une conséquence directe de la façon dont nous, y compris nos cliniciens, sélectionnons et interprétons les informations à relater ? Comme les observations cliniques sur lesquelles se fonde ma conclusion provisoire sont elles-mêmes filtrées à travers les schémas conceptuels des cliniciens impliqués, et sont décrites au lecteur dans un vocabulaire familier, peut-être est-ce l'omniprésence envahissante de la psychologie populaire, et non sa validité, qui explique ma conclusion négative. Ainsi, la question demeure : nos observations s'adaptent-elles parfaitement à nos concepts populaires préscientifiques parce que ces concepts représentent un modèle précis de la réalité psychologique, ou bien nos concepts psychologiques populaires façonnent-ils les observations de telle manière que nous sommes nécessairement aveugles à des distinctions subtiles, mais réelles, qui remettraient en cause notre théorie populaire ? Voilà une question fascinante, mais extrêmement difficile à résoudre.47 C'est encore un autre problème de savoir, dans le cas où il s'agirait d'une conséquence de nos notions populaires, si cette conséquence est inéludable : pourrions-nous développer ou découvrir de nouveaux concepts agentiques (novel agential concepts) qui découperont plus exactement la réalité naturelle selon ses articulations (that more closely carve nature at its joints)48 ? Dans la section suivante, je suggérerai différentes manières dont nous pouvons aborder ces questions.

7. Pour aller plus loin : comment penser la stimulation cérébrale profonde et l'agentité ?

Aussi bien la SCP et les maladies pour lesquelles ce traitement est utilisé peuvent menacer les capacités à l'agentité d'une personne (capacities for agency). La SCP peut avoir des effets délétères sur l'agentité, mais elle peut également restaurer l'agentité érodée par le déclin insidieux dans les cellules dopaminergiques au cours de la maladie de Parkinson, ou par les symptômes d'autres maladies neurologiques et psychiatriques, telles que les DRT, les TOC, les syndromes de Tourette. Ainsi, la question : «les interventions nuisent-elles à ou favorisent-elles l'agentité ?» est trop simplificatrice pour pouvoir saisir les considérations parfois contradictoires qui doivent être soupesées dans l'évaluation de la valeur d'une intervention. Cette prise de conscience (realization) met en cause à la fois le point de vue binaire naïf de l'agentité et la vue moins naïve, mais malgré tout simpliste, de l'agentité comme quantité scalaire unidimensionnelle. L'agentité a de multiples facettes, et la penser comme une quantité scalaire implique une simplification, qui menace d'entraver nos meilleurs efforts pour déterminer quel parti prendre dans des situations concrètes, et pour comprendre le fondement théorique de nos délibérations (the theoretical basis for our deliberations) de manière plus générale. Une façon de conceptualiser l'agentité de façon plus nuancée, à la fois philosophiquement et dans les contextes d'interventions, doit être développée.

Je suggère que nous envisagions l'agentité comme si elle était modélisée dans un espace multidimensionnel, dont les axes sont encore à déterminer. La section précédente a soulevé la question de savoir s'il existe une manière théoriquement neutre de déterminer ce que ces axes doivent être. Si le lecteur ou la lectrice a quelques idées sur la façon de s'extraire de cet épineux problème, je serais heureuse de ses suggestions. Mais sans cela, je suggère d'essayer d'exploiter les outils statistiques (tels que le positionnement multidimensionnel ou l'analyse du composant principal – principal component analysis) pour essayer de déterminer quelles sont les dimensions les plus descriptives de l'agentité. Cela impliquerait d'aboutir à une liste fine des différents aspects possibles de l'agentité fondés sur l'intuition et l'observation clinique à la fois. Une mesure prenant en compte les variations sur une multiplicité de dimensions devrait être élaborée. Si nous commençons à tracer les emplacements des individus normaux dans cet espace multidimensionnel provisoire, il se pourrait que nous constations que la variation sur certains de ces axes est corrélée et redondante, alors que la dynamique le long d'autres axes peut être mieux expliquée en postulant deux plutôt qu'un seul facteur. Certaines dimensions candidates de départ pourraient être : le contrôle moteur, l'inhibition des impulsions, l'attention, l'auto-identification, et ainsi de suite. Si nous pouvons articuler un tel espace et une métrique sur [l'agentité], nous pourrions identifier les points dans l'espace qui décrivent l'ampleur des capacités agentiques d'une personne, avec ou sans SCP. Si la SCP est efficace, alors sur certaines dimensions, une personne subissant un traitement SCP aura des valeurs sur certaines dimensions qui dépassent les valeurs qui lui correspondent lorsqu'elle ne reçoit pas de traitement. Cependant, les effets secondaires indésirables (au moins ceux qui affectent l'agentité) prennent souvent la forme de valeurs réduites sur d'autres axes.

Qui plus est, de façon presque certaine, les mesures objectives des propriétés agentiques sur ces dimensions ne sont pas celles qui devraient régir les décisions de traitement. Une grande partie de la littérature biomédicale sur l'autonomie (autonomy) et l'authenticité (authenticity) attire notre attention sur les différentes valeurs qu'ont les gens, et sur l'importance de la conception de soi (self-conception) dans la santé mentale. Une fois que nous avons délimité un espace agentique, nous sommes susceptibles de découvrir que certaines personnes considèrent certaines dimensions plus importantes que d'autres. Repensez au patient néerlandais qui devait décider de vivre le reste de ses jours alité dans une maison de soins infirmiers en raison de son incapacité motrice, ou de se soumettre à la place à un engagement volontaire dans un établissement psychiatrique en raison de la manie ingérable provoquée par le traitement SCP qui atténuait ses déficiences motrices. Ce genre de dilemme est malheureusement l'un de ceux auxquels les personnes malades et la communauté médicale doivent parfois faire face. Le patient néerlandais décrit par Leentjens et al.49 accordait de toute évidence plus de valeur à son autonomie corporelle et à ses capacités physiques agentives de base qu'à ses capacités rationnelles et à sa (théorique) liberté, mais on peut facilement imaginer un autre patient dans la même position faisant le choix opposé.50 Un aspect du respect de l'autonomie des patients est de tenir compte de leur propre point de vue, quelles dimensions priment sur quelles autres, pour gouverner le choix ou au moins avoir un poids significatif. Ainsi, la métrique objective de l'agentité mentionnée ci-dessus doit être pondérée en conformité avec les valeurs, les engagements et les désirs du patient, afin d'aider à établir un plan d'action. Nous pouvons conceptualiser ceci, comme définissant un autre espace multidimensionnel, qui est une mise à l'échelle du premier, et qui ne refléterait pas seulement les propriétés agentiques objectives d'une personne en vertu d'un traitement disponible, mais aussi ces propriétés telles qu'elles sont évalués par l'agent lui-même. Comparer le positionnement du patient dans cet espace sous diverses conditions de traitement et sans traitement peut fournir un meilleur guide pour les questions pratiques, que celui que nous avons déjà.

Ce que j'ai proposé [ci-dessus] est le projet théorique d'une nouvelle façon de conceptualiser l'agentité. Plus on sera axé sur les données en développant un tel cadre, meilleur cela sera. Pratiquement parlant, deux innovations pourraient être utiles pour le développement de ce genre de cadre théorique : (i) une base de données ouverte anonyme de SCP et d'autres interventions directes sur le cerveau et (ii) des outils pour les cliniciens à utiliser lors de l'évaluation de leurs patients. Le dernier point est important pour la réalisation des objectifs théoriques du premier point, puisque souvent, les cliniciens échouent à poser des questions qui sont d'un intérêt fondamental pour les philosophes et les bioéthiciens. Ainsi, il serait intéressant d'étudier la manière dont nous pourrions les guider lorsqu'ils ont affaire à leurs patients. Par exemple, la communauté pourrait travailler pour élaborer un questionnaire qui sonde les aspects de l'agentité que les cliniciens n'ont pas l'habitude d'interroger. Ou peut-être pourrions-nous développer une batterie de tests objectifs pertinents pour l'agentité, que les cliniciens pourraient gérer. La base de données devrait inclure des descriptions détaillées de l'efficacité du traitement, et enquêter et faire des rapports détaillés sur les effets secondaires et autres impacts sur les capacités d'une personne et ses propriétés agentiques. La base de données devrait également intégrer des détails techniques du traitement, tels que les paramètres de stimulation, le placement des électrodes, et des éléments de diagnostic du patient. L'existence d'une telle base de données rendrait plus facile à réaliser deux objectifs valables. Le premier serait de développer une analyse axée sur les données des effets de la SCP sur l'agentité, qui pourrait potentiellement nous permettre de détecter des tendances éventuelles pouvant suggérer que l'agentité serait mieux conceptualisée dans un autre cadre que celui fourni par la psychologie populaire. Le second est peut-être le plus important : une base de données richement développée pourrait nous permettre de mieux comprendre les neurosciences de l'agentité, de mieux comprendre la effets neuronaux et comportementaux d'une technique qui est largement empirique, et de comprendre les causes (et potentiellement d'empêcher les conséquences indésirables) des effets défavorables que [cette technique] produit parfois. »

 

 

NOTES (NON TRADUITES) ET NOTES DU TRADUCTEUR (NDT)

 

 

1 NDT. De l'anglais agency, terme difficile à traduire ; il semble que certains traducteurs aient adopté « agentivité » (voir ici), qui d'abord me paraît peu élégant (mais comment l'être ici...?) : à mon sens, 'agentivité' (sur le modèle d'activité ou inventivité) semble ajouter à l'idée de disposition à agir celle d'un dynamisme, d'une production particulièrement riche d'actions, voire suggère que le sujet est déjà en train d'agir – ce qui n'est pas nécessairement le cas (comme on le voit dans la définition donnée par Mme Roskies à la fin du paragraphe). Je propose plutôt agentité, malgré l'option prise déjà par deux auteurs ici. Plus aisé à prononcer, le terme est plus neutre et repose sur le même principe qu'identité-identique, publicité-publique, etc, désignant un certain état stable ou une disposition durable à être, avoir ou faire quelque chose : en l’occurrence, une disposition permanente à être un agent (même si on n'est pas en train d'agir ou si on le fait rarement), c'est-à-dire à agir par soi-même, produire ses propres actes, dont on est responsable. L'adjectif devient : agentique, et non agentif ou agental. On aurait pu songer aussi à : agencité ; actance ; actibilité...

 

2 It is difficult in fact to make a principled distinction between direct and indirect brain interventions. In some ways, pharmacological interventions are considerably more direct than, say, transcranial magnetic stimulation (TMS). So here I use ‘direct’ only to pick out a class of interventions that electrically stimulate or inhibit neural tissue.

 

3 Young L, Camprodon JA, Hauser M, Pascual-Leone A, Saxe R. 2010 Disruption of the right temporoparietal junction with transcranial magnetic stimulation reduces the role of beliefs in moral judgments. Proc. Natl Acad. Sci. USA 107, 6753–6758. (doi:10.1073/pnas.0914826107)Abstract/FREE Full Text.

 

4 Parvizi J, Jacques C, Foster BL, Withoft N, Rangarajan V, Weiner KS, Grill-Spector K. 2012 Electrical stimulation of human fusiform face-selective regions distorts face perception. J. Neurosci. 32, 14 915–14 920 (doi:10.1523/JNEUROSCI.2609-12.2012)Abstract/FREE Full Text.

 

5 Diester I, Kaufman MT, Mogri M, Pashaie R, Goo W, Yizhar O, Ramakrishnan C, Deisseroth K, Shenoy KV. 2011 An optogenetic toolbox designed for primates. Nat. Neurosci. 14, 387–397. (doi:10.1038/nn.2749)CrossRefMedline

 

6 Tye KM, Deisseroth K. 2012 Optogenetic investigation of neural circuits underlying brain disease in animal models. Nat. Rev. Neurosci. 13, 251–266. (doi:10.1038/nrn3171) CrossRefMedline.

 

7NDR : Food and Drug Administration, agence fédérale américaine pour l'alimentation et la santé (https://fr.wikipedia.org/wiki/Food_and_Drug_Administration).

 

8 Mathews DJH. 2011 Deep brain stimulation, personal identity and policy. Int. Rev. Psychiatry 23, 486–492. (doi:10.3109/09540261.2011.632624)CrossRefMedline.

 

9 Holtzheimer PE, Mayberg HS. 2011 Deep brain stimulation for psychiatric disorders. Annu. Rev. Neurosci. 34, 289–307. (doi:10.1146/annurev-neuro-061010-113638)CrossRefMedlineWeb of Science.

 

10 (voir également référence de la note précédente). Kringelbach ML, Jenkinson N, Owen SLF, Aziz TZ. 2007 Translational principles of deep brain stimulation. Nat. Rev. Neurosci. 8, 623–635. (doi:10.1038/nrn2196)CrossRefMedlineWeb of Science

 

11 (voir également référence de la note précédente) Little S, Brown P. 2014 Focusing brain therapeutic interventions in space and time for Parkinson's disease. Curr. Biol. 24, R898–R909. (doi:10.1016/j.cub.2014.08.002) CrossRefMedline

 

12 Little S, Brown P. 2014 Focusing brain therapeutic interventions in space and time for Parkinson's disease. Curr. Biol. 24, R898–R909. (doi:10.1016/j.cub.2014.08.002) CrossRefMedline

 

13 As our understanding of the mechanisms by which DBS works grows, our effectiveness in combatting the diseases is sure to improve, and the precision with which we make our interventions is also bound to improve. One can easily envision, for example, that the combination of DBS principles with optogenetics will lead to significant improvement in treatment outcomes [voir précédente]. Optogenetics is already being used to target the relevant cell populations in animal models of Parkinson's disease, and a light, rather than an electrode, is used to control neural firing [références : Gradinaru V, Mogri M, Thompson KR, Henderson JM, Deisseroth K. 2009 Optical deconstruction of parkinsonian neural circuitry. Science 324, 354–359. (doi:10.1126/science.1167093) Abstract/FREE Full Text ; Kravitz AV, Freeze BS, Parker PRL, Kay K, Thwin MT, Deisseroth K, Kreitzer AC. 2010 Regulation of parkinsonian motor behaviours by optogenetic control of basal ganglia circuitry. Nat. Neurosci. 466, 622–626. (doi:10.1038/nature09159) ]. With such technology, DBS stimulation targets just the neurons of interest, rather than all the cells in an area of tissue surrounding the electrode. It is likely that such targeted stimulation would significantly reduce unwanted side-effects.

 

14 Roskies AL. 2002 Neuroethics for the new millenium. Neuron 35, 21–23. (doi:10.1016/S0896-6273(02)00763-8CrossRefMedlineWeb of Science/

 

15 Baylis F. 2013 ‘I am who I am’: on the perceived threats to personal identity from deep brain stimulation. Neuroethics 6, 513–526. (doi:10.1007/s12152-011-9137-1) CrossRefMedlineWeb of Science.

 

16 Witt K, Kuhn J, Timmerman L, Zurowski M, Woopen C. 2013 Deep brain stimulation and the search for identity. Neuroethics 6, 499–511. (doi:10.1007/s12152-011-9100-1) CrossRefMedline.

 

17 Here the literature is confused. Many authors seem to use the technical term personal identity, which in the philosophical literature signifies numerical identity (what it is to be the same person over time), when in fact they are discussing psychological identification: what it is to see oneself as the person over time, or to identify with other time slices of oneself.

 

18 Klaming L, Haselager P. 2013 Did my brain implant make me do it? Questions raised by DBS regarding psychological continuity, responsibility for action and mental competence. Neuroethics 6, 527–539. (doi:10.1007/s12152-010-9093-1) CrossRefMedline

 

19 Schechtman M. 1996 The constitution of selves. Ithaca, NY: Cornell University Press.

 

20 Witt K, Kuhn J, Timmermann L, Zurowski M, Woopen C. 2013 Deep brain stimulation and the search for identity. Neuroethics 6, 499–511. (doi:10.1007/s12152-011-9100-1) CrossRefMedline

 

21 Schüpbach M, Gargiulo M, Welter M, Mallet L, Béhar C, Houeto JL, Maltête D, Mesnage V, Agid Y. 2006 Neurosurgery in Parkinson disease: a distressed mind in a repaired body ? Neurology 66, 1811–1816. doi:10.1212/01.wnl.0000234880.51322.16) CrossRefMedline

 

 

22 Mathews DJH. 2011 Deep brain stimulation, personal identity and policy. Int. Rev. Psychiatry 23, 486–492. (doi:10.3109/09540261.2011.632624) CrossRefMedline ; Baylis F. 2013 ‘I am who I am’: on the perceived threats to personal identity from deep brain stimulation. Neuroethics 6, 513–526. (doi:10.1007/s12152-011-9137-1) CrossRefMedlineWeb of Science ; Witt K, Kuhn J, Timmerman L, Zurowski M, Woopen C. 2013 Deep brain stimulation and the search for identity. Neuroethics 6, 499–511. (doi:10.1007/s12152-011-9100-1) CrossRefMedline ; Kraemer F. 2013 Me, myself and my brain implant: deep brain stimulation raises questions of personal authenticity and alienation. Neuroethics 6, 483–497 (doi:10.1007/s12152-011-9115-7) CrossRefMedline.

 

23NDT : Authorship désigne ordinairement le fait d'être l'auteur d'un texte (ou d'une page internet) : ce serait la « paternité » d'une œuvre au sens du droit français (art L.121-1 CPI), terme renvoyant plutôt à l'état civil. Je propose donc plus littéralement : auteurité... Et pour éviter l'assonance désagréable, le suffixe ipse, plutôt qu'auto ou ego. Mais on pourrait aussi bien dire : l'auteurité de soi.

 

24NDT : Pour une analyse de l'approche dite « capacitarienne » de la responsabilité, voir l'analyse de Nicole A. VINCENT : http://papers.ssrn.com/sol3/papers.cfm?abstract_id=1826151

 

25 As an illustration of how capacitarian views may differ, consider the way in which judgements about agency and responsibility may differ in the case of a minor who coerces another minor to engage in sexual activities. We likely will judge that the minor acted freely: he possesses the basic capacity for rational agency. However, he may not be held fully legally responsible because he is underage. Justification for the age of majority is given in terms of the normal developmental trajectory of capacities for judgement and self-control. And we may or may not judge of him that he had all the capacities necessary to make him fully morally blameworthy, and be justified in our moral reprobation.

 

26 Vincent NA. 2012 Neurolaw and direct brain interventions. Law Philosophy 8, 43–50. (doi:10.1007/s11572-012-9164-y)

 

27Il s'agit du philosophe américain contemporain Harry G. Frankfurt (https://fr.wikipedia.org/wiki/Harry_Frankfurt).

 

28 Voir : Fischer J, Ravizza M. 1998 Responsibility and control: a theory of moral responsibility. Cambridge, UK: Cambridge University Press ; Frankfurt H. 1969 Alternate possibilities and moral responsibility. J. Philos. 66, 829–839 ((doi:10.2307/2023833)CrossRefWeb of Science ; Frankfurt H. 1971 Freedom of the will and the concept of a person. J. Philos. 68, 5–20 (doi:10.2307/2024717) CrossRef.

 

29 Frankfurt H. 1969 Alternate possibilities and moral responsibility. J. Philos. 66, 829–839 ((doi:10.2307/2023833)CrossRefWeb of Science

 

30 And, to be clear, it is not a mistake philosophers have made.

 

31 See also : Levy N. 2008 Counterfactual intervention and agents’ capacities. J. Philos. 105, 223–239 (doi:10.2307/20620095). In actual fact, DBS does not appear to work according to simple disconnection principles, but that is not of primary importance here. A more detailed inquiry into whether different types of interventions pose different challenges to agency will be worth undertaking when we have a better understanding of how DBS and other interventions affect brain networks.

 

32 This same sort of idea has been used to assess responsibility in cases in which there is a question of personality change or alterations in a person's narrative identity. For example, in a discussion of responsibility for actions in dissociative identity disorder, Kennett & Matthews [Kennett J, Matthews S. 2002 Identity, control and responsibility: the case of dissociative identity disorder. Philos. Psychol. 15, 509–526 (doi:10.1080/09515089.2002.10031978) CrossRef] argue that responsibility is mitigated because ‘the patient does not possess the relevant capacities of judgment and control’ with respect to the actions committed in an alter state.

 

33 NDT : dans le vocabulaire philosophique français, nous parlerions plutôt de réductionisme.

 

34 Churchland PM. 1981 Eliminative materialism and the propositional attitudes. J. Philos. 78, 67–90. (doi:10.2307/2025900) CrossRefWeb of Science.

 

35 Goethals I, Jacobs F, Van der Linden C, Caemaert J, Audenaert K. 2008 Brain activation associated with deep brain stimulation causing dissociation in a patient with Tourette's Syndrome. J. Trauma Dissoc. 9, 543–549. (doi:10.1080/15299730802226126) CrossRef.

 

36 Goethals I, Jacobs F, Van der Linden C, Caemaert J, Audenaert K. 2008 Brain activation associated with deep brain stimulation causing dissociation in a patient with Tourette's Syndrome. J. Trauma Dissoc. 9, 543–549. (doi:10.1080/15299730802226126) CrossRef.

 

37 Klaming L, Haselager P. 2013 Did my brain implant make me do it? Questions raised by DBS regarding psychological continuity, responsibility for action and mental competence. Neuroethics 6, 527–539. (doi:10.1007/s12152-010-9093-1) CrossRefMedline.

 

38 I have not seen many case studies that report things that appear to be ‘inserted beliefs’ in DBS. This may be because deep brain stimulation sites are less apt to influence belief representations, which scientists think are stored in the cortex. However, because stimulation may affect fibres of passage and activate cells some distance from the stimulation site, I think the possibility cannot be discounted. This case may be an illustration of this.

 

39 Parkinson's disease is often treated by stimulation in the subthalamic nucleus (STN); OCD often by stimulation in the nucleus accumbens.

 

40 Mantione M, Figee M, Denys D. 2014 A case of musical preference for Johnny Cash following deep brain stimulation of the nucleus accumbens. Front. Behav. Neurosci. 8, 152.  (doi:10.3389/fnbeh.2014.00152) Medline.

 

41 Interestingly, ‘Mr. B. reported he felt very confident, calm and assertive and he started to call himself “Mr. B. II”, the new and improved version of himself’. (Mantione M, Figee M, Denys D. 2014 A case of musical preference for Johnny Cash following deep brain stimulation of the nucleus accumbens. Front. Behav. Neurosci. 8, 152 (doi:10.3389/fnbeh.2014.00152) Medline , p. 152).

 

42 Schüpbach M, Gargiulo M, Welter M, Mallet L, Béhar C, Houeto JL, Maltête D, Mesnage V, Agid Y. 2006 Neurosurgery in Parkinson disease: a distressed mind in a repaired body? Neurology 66, 1811–1816. (doi:10.1212/01.wnl.0000234880.51322.16) CrossRefMedline.

 

43 Kraemer F. 2013 Me, myself and my brain implant: deep brain stimulation raises questions of personal authenticity and alienation. Neu

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