

« Hasard est, dans l'acception usuelle, l'antithèse directe de Loi. Ce qui ne peut pas (suppose-t-on) être rapporté à une loi doit être attribué au hasard. Il est cependant certain que tout ce qui arrive est le résultat de quelque loi, un effet de certaines causes, et pourrait être prévu si l'on connaissait ces causes et leurs lois.
Si je retourne une carte, c'est en conséquence de sa place dans le jeu. Sa place dans le jeu était une conséquence de la manière dont les cartes avaient été battues, ou de l'ordre dans lequel elles avaient été tirées dans la partie précédente, circonstances qui sont aussi des effets de causes antérieures. A chaque moment une connaissance complète des causes nous aurait mis à même de prévoir l'effet.
On se représenterait mieux un événement arrivé, comme on dit, par hasard, en disant que c'est une coïncidence de laquelle nous n'avons pas de raison d'inférer une uniformité ; un phénomène survenu dans certaines circonstances, sans que nous soyions autorisés à inférer de là que, les mêmes circonstances se reproduisant, il se reproduira aussi. (...)
Il n'est donc pas exact de dire qu'un phénomène est produit par hasard ; mais on peut dire que deux phénomènes ou plus se trouvent en conjonction par hasard, qu'ils coexistent ou se succèdent par hasard ; entendant par là qu'il n'existe pas entre eux de rapport de causation ; qu'ils ne sont ni causes ni effets les uns des autres, ni des effets de la même cause (...).
Les étoiles fixes ont toujours existé depuis le commencement de l'expérience humaine, et tous les phénomènes observés par les hommes ont toujours coexisté avec elles ; et néanmoins cette coïncidence, quoique aussi invariable que celle de chacun de ces phénomènes avec sa cause propre, ne prouve nullement que les étoiles soient leur cause ou liées à leur cause d'une façon quelconque. »
John Stuart MILL, Système de logique déductive et inductive, liv.III ch.17